Transparence des liens

Transparence des liens d’intérêt : quelles obligations pour les laboratoires pharmaceutiques en France?

Instaurée à la suite de l’affaire « Médiator », et inspirée du Sunshine Act américain, la loi n° 2011-2012 du 29 décembre 2011 relative au renforcement de la sécurité sanitaire plus connue sous le nom de « Loi Bertrand » pose les fondements de la transparence des liens. Elle impose aux laboratoires pharmaceutiques de publier sur la plateforme publique « Transparence Santé » les liens qu’ils entretiennent avec les acteurs du système de santé 

Cette loi vise en effet à restaurer la confiance du public vis-à-vis du système de santé en garantissant une meilleure visibilité sur les liens d’influence potentiels et en favorisant une pratique médicale plus éthique et indépendante. 

Le principe de Transparence des liens et la réglementation en matière d’encadrement des avantages sont deux dispositifs complémentaires mais distincts :  

  • La Loi d’Encadrement des avantages (articles L453-3 et suiv. et R1453-13 et suiv. du Code de la Santé publique) régit en effet l’octroi d’avantages entre industriels et professionnels de santé en instaurant notamment une déclaration préalable des conventions aux autorités compétentes. 
  • La Transparence des liens (articles L1453-1, L1453-2 et D1453-1 à R1453-12 du Code de la Santé publique) vise un périmètre plus large d’entreprises et d’acteurs de santé et s’applique même en l’absence d’avantages puisqu’il s’agit avant tout de publier les liens d’intérêt a postériori pour information du grand public.  

Champ d’application 

>Les entreprises et produits concernés 

L’obligation de publier en transparence est applicable aux entreprises produisant ou commercialisant des produits de santé tels que les médicaments et dispositifs médicaux mais également les produits cosmétiques ou les médicaments vétérinaires

(Pour rappel, ces deux dernières catégories de produits n’entrent pas dans le champ d’application de la LEA.) 

Sont également visées les entreprises assurant des prestations associées aux produits de santé telles que les agences de communication en santé, la visite médicale, la recherche clinique. 

>Les acteurs de santé concernés : 

Les entreprises visées par le dispositif sont ainsi tenues de publier les liens qu’elles entretiennent avec les acteurs de santé français suivants : 

Professionnels de santé / étudiants Personnes morales 
 Les professions règlementées : Médecins Pharmaciens, préparateurs en pharmacie et en pharmacie hospitalière Masseurs-kinésithérapeutes Sages-femmes,  infirmiers, aides-soignants, auxiliaires de puériculture, diététiciens Chirurgiens-dentistes, assistants dentaires, Pédicures-podologues,  Ergothérapeutes, psychomotriciens, orthophonistes, orthoptistes Manipulateurs d’électroradiologie médicale, techniciens de laboratoires médicaux Audioprothésistes, opticiens-lunetiers, prothésistes et orthésistes pour l’appareillage des personnes handicapées Ambulanciers Physicien médical Conseiller en génétique Les professions à usage de titres : Ostéopathes Chiropracteurs Psychothérapeutes  Associations (professionnels de santé, étudiants, patients) Établissements de santé : publics et privés académies, les fondations, les sociétés savantes et les sociétés ou organismes de conseil intervenant dans le secteur des produits, y compris cosmétiques, ou prestations de santé  Éditeurs de presse, de services de radio ou de télévision et de services de communication au public en ligne Personnes qui, dans les médias ou sur les réseaux sociaux, présentent un ou plusieurs produits de santé, de manière à influencer le public (influenceurs)  Éditeurs de logiciels d’aide à la prescription et à la délivrance Organismes assurant la formation initiale ou continue des professionnels de santé ou participant à cette formation  

Liens et avantages à publier 

Il convient de rendre publics a posteriori : 

  • Les informations relatives aux conventions (objet de la convention, date, rémunérations/avantages, bénéficiaire direct, bénéficiaire final) 
  • Les informations relatives aux avantages dont le montant est supérieur ou égal à 10 € TTC 
  • Les informations relatives aux rémunérations dont le montant est supérieur ou égal à 10 €  

A noter que les contrats commerciaux sont exclus du champ de la Transparence des liens ainsi que du dispositif d’encadrement des avantages. 

La typologie des avantages et conventions de l’Arrêté du 24 septembre 2020 répond à des définitions précises qui ont été explicitées par les autorités. 

Modalités de publication 

La publication des informations doit être effectuée au moins deux fois par an via le site public Transparence-Santé

> Pour la période du 1er janvier N au 30 juin N => soumission avant le 1er septembre N pour une publication le 1er octobre N 

> Pour la période du 1er juillet N au 31 décembre N => soumission avant le 1er mars N+1 pour une publication le 1er avril N+1 

Pour conclure : 

Après plus de quinze ans d’application, le dispositif français de transparence des liens d’intérêt s’impose comme une référence en matière d’éthique et de régulation dans le secteur de la santé. Inspirée du Sunshine Act américain, la Loi Bertrand a renforcé la confiance du public et encadré les relations entre les industriels et les acteurs du système de santé. 

Fortes de cette expérience, les entreprises ont fait de la transparence un pilier de leur conformité. Ce dispositif pionnier en Europe a ouvert la voie à une harmonisation accrue, notamment à travers le paquet pharmaceutique européen et les initiatives de l’EFPIA, prévoyant la publication annuelle des transferts de valeur. 

L’extension récente du dispositif aux influenceurs témoigne de la capacité du modèle français à s’adapter aux nouveaux modes de communication et à maintenir un haut niveau d’exigence éthique dans un environnement en évolution constante. 

Atessia accompagne ses clients dans les démarches de transparence des liens

Article rédigé par Johanna DROUVILLE, Consultante Juridique 

L’encadrement des avantages anciennement dite loi anti-cadeau, à la sauce française

La France est réputée pour ses dispositions réglementaires strictes lorsque l’on touche aux médicaments. L’exception ne sera pas faite quant à l’encadrement des relations entre les industries et les professionnels de santé désormais connu sous le nom de LEA.

Qui est donc cette LEA ?

Avant, nous disions « Loi anti-corruption », « DMOS », « loi anti-cadeaux »… Ces termes ne sont plus utilisés et à juste titre. Ce dispositif, qui fêtera bientôt son 30ème anniversaire (nous prenons un coup de vieux) vient de faire peau neuve[1] et nous parlons désormais du « Dispositif d’encadrement des avantages » ou encore « Loi d’encadrement des avantages » (la fameuse LEA) car il s’agit bien d’un ensemble de textes et d’un véritable arsenal mis en place le 1er octobre 2020 afin que l’Etat puisse mieux contrôler les relations entre les industries de santé notamment, et les professionnels de santé au sens large du terme. Rappelons qu’il est à considérer de manière bien distincte du dispositif de transparence des liens qui poursuit des objectifs de publicité des avantages procurés et conventions passées pour informer le grand public et éviter tout conflit d’intérêt.

Nous venons de le dire, ce dispositif n’est pas récent. Il est vrai qu’au fil des années, il s’est vu considérablement renforcer puisqu’il concerne aujourd’hui l’ensemble des produits de santé, remboursables ou non et son champ d’application s’est étendu progressivement aux professionnels de santé, à ses étudiants et à leurs associations. Mais, in fine, son principe fondamental est resté le même : nous sommes face à un véritable dispositif « anti-corruption » applicable aux relations entre les entreprises qui commercialisent des produits de santé, comme les médicaments ou les dispositifs médicaux, ou assurent des prestations de santé, et les professionnels de santé (PDS) (les médecins mais également tous les autres professionnels de santé ainsi que les ostéopathes, chiropracteurs et psychothérapeutes). Il s’agit de s’assurer que les PDS ne soient guidés que par des considérations d’ordre médical dans le choix qu’ils font d’un produit ou d’une prestation santé et de prévenir les situations de conflits d’intérêt.

Plus concrètement, le principe général est le suivant :

  • Interdiction pour les entreprises assurant des prestations de santé, produisant ou commercialisant des produits de santé de consentir des avantages directs ou indirects, en nature ou en espèces ; et
  • Interdiction pour les PS, Associations de PS et les fonctionnaires/Agents Publics visés par le dispositif de recevoir de tels avantages.

A noter que ces interdictions sont sanctionnées pénalement et qu’il existe une co-responsabilité entre les entreprises qui consentent des avantages indus et les bénéficiaires de ces avantages.

Mais complexifions un peu… La LEA prévoit des dérogations à ce principe d’interdiction et soumet l’ensemble des interactions autorisées (rémunération, prise en charge d’hospitalité dans le cadre de manifestations professionnelles, scientifiques ou promotionnelles, participation à des activités de recherches, prestations de services, parrainages, dons) à un contrôle préalable par les instances compétentes que sont les Ordres des professions médicales lorsqu’il en existe ou les ARS. Toutefois, une condition pour la mise en œuvre de ces dérogations est l’établissement d’une convention qui sera alors soumise auprès des instances compétentes. Ces dérogations sont à ne pas confondre avec les éléments exclus de la définition d’un avantage interdit, tels que les avantages en espèces ou en nature qui ont trait à l’exercice de la profession du bénéficiaire et d’une valeur négligeable (ex : repas impromptus, échantillons, ouvrages). Rappelons qu’au-delà de 10 euros, tout avantage doit par ailleurs être déclaré sur https://www.transparence.sante.gouv.fr/ au titre de la transparence des liens.

Deux régimes de soumission sont possibles : soumission pour déclaration OU pour autorisation.

Pour nous guider dans le choix du régime de soumission applicable, des valeurs seuils ont été publiées par voie d’arrêté. Ces valeurs sont alors définies pour chaque typologie d’avantage prévu. Reste maintenant à définir la catégorie dans laquelle votre avantage entre…

Si les avantages consentis sont inférieurs aux seuils, une déclaration doit être faite 8 jours avant l’octroi de l’avantage, que ce soit sur Idahe 2 ou EPS, ce dernier ne pouvant être mis en œuvre avant ce délai.

Si les avantages consentis sont supérieurs aux seuils, une demande d’autorisation doit être faite a minima deux mois avant la mise en œuvre. A l’issu de ces deux mois, l’autorité compétente émettra une décision contraignante, et non plus un avis.

En résumé :



Peu de nouveautés ont été publiées depuis la mise en place du nouveau dispositif le 1er octobre 2020, cependant au quotidien la mise en pratique soulève de manière notoire un grand nombre de questions d’interprétation. Sachez qu’ATESSIA peut vous accompagner dans la mise en place et l’adaptation de vos processus pour vous conformer à ce dispositif.


Article rédigé par Floriane LUCY, Consultante Affaires Réglementaires & Pharmaceutiques


[1]Suite à la publication de l’Ordonnance n°2017-49 du 19 janvier 2017 relative aux avantages offerts par les personnes fabriquant ou commercialisant des produits ou prestations de santé et ses différents textes d’application entrés en vigueur le 1er octobre 2020